Humaniser les ressources humaines, un entretien avec Marie Manin

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Rencontre avec marie manin

Un service RH plus humain, mais comment ? Marie Manin – D’Haegeleer, HRD & Coach international nous répond ici :

Qu’est-ce qui vous a amené à faire carrière dans les ressources humaines, tout particulièrement dans le recrutement et le développement des compétences ?

J’ai un parcours qu’on peut qualifier d’opportuniste, ayant été un « conjoint suiveur » a l’international pendant 20 ans.

Au départ juriste en droit du travail en France, avec une 1ère expérience en négociation sociale des 35 heures, je suis partie rejoindre mon conjoint en Californie en 1998. Premier choc des cultures : passer des 35h françaises aux 70h au cœur de la Silicon Valley. Linkedin et Facebook n’étaient encore que des bébés start-ups !

C’était à l’époque le grand boom d’Internet, et j’ai beaucoup évolué dans un milieu IT très agile en pleine guerre des talents.

En arrivant, sans permis de travail et avec une expérience franco-française en droit du travail, il a bien fallu que je me reconvertisse. J’ai tout de suite décidé de reprendre des études dans les RH a l’université de San Jose : le juridique étant une composante importante des ressources humaines.

Une fois ma carte verte en poche et donc l’autorisation de travailler j’ai d’abord intégré un cabinet de chasse de têtes partenaire de Venture Capital Firms (VC) pour monter la pratique RH avant qu’une start-up ne me débauche comme DRH.

Cette reconversion obligatoire s’est avérée juste naturelle pour moi compte tenu de ma personnalité, mes talents et mon expertise. Les RH représentent un volet beaucoup plus complet selon moi, et englobent l’aspect humain qui me passionne depuis 20 ans… Je n’ai jamais regretté ce changement de carrière !

De retour en France, 6 ans après, j’ai évolué en RH dans des structures plus grandes, de 5000 personnes, mais toujours agiles et internationales, chez REGUS et International SOS notamment

“Je trouve fabuleux de pouvoir faire grandir les collaborateurs en entreprise”

Il était important pour moi de pouvoir utiliser ma créativité, mon dynamisme et de travailler en partenariat avec le business sur la gestion de la performance et de l’engagement des collaborateurs.

Je trouve fabuleux de pouvoir faire grandir les collaborateurs en entreprise et d’observer l’impact sur la performance individuelle et collective sur celle de l’entreprise

La valeur des RH réside dans sa capacité à trouver, en partenariat avec le business, des leviers de croissance et d’engagement des collaborateurs à plusieurs niveaux, pour améliorer la performance de l’entreprise.

Un collaborateur, épanoui professionnellement est un collaborateur plus productif. Une entreprise n’est pas responsable du bonheur de ses collaborateurs mais peut contribuer à leur épanouissement. C’est un cercle vertueux.

“Il est vrai que les US bénéficiaient déjà d’une certaine maturité”

Observez-vous des différences entre la France, les US et la Suisse où vous exercez actuellement ?

Le secteur des RH a énormément évolué en Europe ces 15 dernières années.

Il est vrai que les US bénéficiaient déjà d’une certaine maturité à l’époque en matière de développement des talents, de “Bien-Etre” et d’« engagement ». Des choses que l’on voit se développer ces 10 dernières années en France.

Côté Suisse, c’est plus éparse : cela va beaucoup plus dépendre des cantons, et des profils d’entreprise. Certaines sont très avancées en matière de développement des collaborateurs et d’engagement des talents. Et d’autres ont encore une approche encore très transactionnelle des ressources humaines et de la gestion des collaborateurs.

Qu’est-ce que vous aimez dans les ressources humaines ?

Contribuer au développement des collaborateurs et accompagner le changement en entreprise. Accompagner les collaborateurs à trouver leur voie professionnelle, identifier leurs leviers de performance et optimiser leurs talents.

Comment cela se traduit sur le terrain ?

Cela passe d’abord par un changement de paradigme en entreprise et de vision du top management : placer le capital humain et l’humain au cœur de l’entreprise.

Un leader impliqué dans l’engagement et l’épanouissement professionnel de ses collaborateurs saura influencer positivement leur performance. Encore une fois, c’est un cercle vertueux : une approche humaine et efficace de la gestion des talents, aura un impact positif sur le turn-over, sur la capacité d’attirer et fidéliser les talents. L’investissement RH permet un ROI chiffrable et un impact sur l’EBITDA. Le RH n’est pas qu’un centre de couts !

Il faut accompagner nos leaders à être des sponsors de politiques de développement des collaborateurs en ayant la capacité de démontrer la corrélation entre engagement des collaborateurs et performance financière. Alors que les collaborateurs représentent le coût le plus important d’une entreprise, il est crucial d’investir en eux pour une meilleure « workforce and business sustainability ».

Se donner les moyens, comme levier de performance, de mettre en place des actions concrètes, pragmatiques de gestion des carrières, compensation et bénéfice, dans le domaine du bien-être des collaborateurs, en diversité et inclusion, tel est l’objectif d’une politique de EVP (Employee Value Proposition : proposition de valeur aux collaborateurs)

“De l’agilité à plusieurs dimensions : recruter plus vite à moindre coût”

Quelles valeurs véhiculez-vous en entreprise ?

J’ai une approche très orientée épanouissement et développement des collaborateurs, en commençant par les leaders. Un leader engagé, épanoui, avec un EQ fort sera plus enclin à permettre l’épanouissement de ses équipes Cela impactera de facto la performance et la rétention des collaborateurs. Il n’est plus à prouver qu’il est financièrement plus intéressant de retenir ses employés performants à long terme !

Bien sûr, il y a parfois un océan entre ce qu’on aimerait mettre en place et ce qu’on arrive réellement à réaliser. Cela fait partie des frustrations avec lesquelles les DRH doivent composer pour rester résilients, agiles, créatifs, perséverants et souriants….

Je garde quand même le cap vers un vrai sens de l’éthique et du respect de l’humain en entreprise et c’est une demande très claire des jeunes qui intègrent le marche du travail depuis quelques années.

Comment a évolué la profession ces dernières années ?

Il y a eu de belles avancées, pas une révolution mais on observe un vrai tournant et un changement de paradigme en termes de stratégie et de partenariat avec le business.

On sent une volonté d’investir dans le développement et l’engagement des collaborateurs ; il faut ensuite que cela se traduise par des actions à court, moyen et long terme et que cela s’intègre dans une vraie stratégie business.

Le RH doit avoir une voix à la table du comité de direction, l’oreille du CEO et une bonne collaboration avec le CFO !

Qu’attendez-vous d’une solution de recrutement ?

De l’agilité à plusieurs égards : recruter mieux, plus vite à moindre coût, des outils qui vont bien s’inscrire dans la culture de l’entreprise et qui vont permettre un suivi clair des KPI afin de mesurer et monitorer la performance de l’infrastructure recrutement

Il faut savoir qu’un recrutement raté, c’est en moyenne 9 mois de salaire. Autant se donner tous les moyens de le réussir !

Soyons honnêtes, les services RH sont rarement les plus étoffés en terme d’effectifs : nous avons donc cruellement besoin d’outils efficaces pour nous aider dans notre mission en plus de notre agilité, résilience et créativité pour faire avancer un agenda business avec des budgets serrés.

Quels type d’outils RH utilisez-vous ?

Cela dépend du domaine RH ! En 20 ans d’expérience RH j’ai vu une évolution dans les outils. Apres avoir utilisé des ERP, j’ai une préférence pour des outils plus agiles en termes d’intégration et d’utilisation. Pour en nommer certains et sans vouloir faire de publicité : PHD Accélérateur de Talents en mobilité interne et gestion des talents, Abintegro en learning et développement, permettant de se former « wherever- whenever ». En recrutement j’ai utilisé Taleo, smart recruteur.

En terme de recrutement, outre un outil, j’ai également beaucoup utilisé la cooptation. Nos collaborateurs sont nos meilleurs ambassadeurs pour promouvoir leur entreprise et donner envie, ou pas, d’y travailler.

La cooptation permet notamment d’avoir des candidats qui partagent davantage la culture d’entreprise, ses valeurs et qui auront ainsi la bonne attitude pour y évoluer « on recrute une attitude, des valeurs » et on « développe des skills » Les échecs de recrutement reposent souvent sur des différences de valeurs, de mentalité.

Lorsqu’on mesure financièrement chaque source de recrutement , son efficacité, sa rentabilité : la cooptation reste la meilleure source de recrutement, KPI à l’appui !

J’ai moi-même mis en place des systèmes de cooptation chez International SOS et Regus : des programmes de “referral” avec un bonus donné à la personne qui envoyait des candidats recrutés.

“Lorsqu’on mesure chaque source de recrutement en terme de coût, d’efficacité, d’engagement : la cooptation reste la meilleure source de recrutement.”

Avez vous une anecdote à partager ?

Des tas ! Je pourrais vous en parler des heures.

J’ai toujours été sensible à l’inclusion des collaborateurs, à la diversité en entreprise comme vecteur de performance et d’épanouissement individuel des collaborateurs et comme source de performance business.

C’est forte heureusement une priorité maintenant en entreprise….cela l’était moins il y a quelques années.

Pour citer un exemple et en lien avec mes propos précédents : il y a 25 ans déjà dans la Silicon Valley, le recrutement des candidats de la population LGBT ne posait aucune question. C’est encore trop souvent un challenge dans la vieille Europe !

J’ai beaucoup étudié, notamment au travers des neurosciences, les biais inconscients en matière de recrutement, et de gestion des collaborateurs dans tout leur cycle de vie en entreprise. Et en donnant des formations en recrutement où j’abordais la notion de biais inconscients et certains de leurs impact négatifs, j’ai pris conscience que j’étais aussi biaisée !

J’ai réalisé que j’avais une forte tendance à recruter des femmes (elles se reconnaitront 😊) dynamiques et enthousiastes avec un parcours international et des enfants en bas âge, parce que je me retrouvais en elles. Notre communication était fluide et notre organisation optimale en respectant notre vie de famille . À l’époque, je n’en avais absolument pas conscience…

Avec du recul j’ai réalisé que je devais diversifier les membres de mon équipe car les différences, quelqu’elles soient, sont source d’innovation, créativité et donc performance !
Depuis ma prise de conscience je pense que ces formations devraient être obligatoires pour tous les managers.

Même en matière de cooptation, les biais inconscients peuvent contrevenir à la nécessité de diversité en entreprise, avec le risque de ne recruter que des clones.

On a beaucoup avancé dans le domaine des neurosciences, autant s’en servir en milieu RH. C’est un sujet d’actualité chez nous en ce moment, de plus en plus de formations sont proposées.

“Je trouve que l’on a fait un pas de géant pour replacer l’humain au centre des entreprises”

Lors de mon passage chez International SOS, une des premières actions du comité diversité et inclusion que je dirigeais a été la mise en place de formations « unconscious bias » pour tous les managers. Il faut soulever les consciences pour favoriser le changement !

Ce type de formations est généralement bien perçu, même s’ il peut y avoir des réticences et des levées de bouclier.

Lorsqu’on opère un changement en profondeur, cela peut créer de la frustration et de l’incompréhension.

Je trouve que l’on a fait un pas de géant pour replacer l’humain au centre des entreprises. Je me souviens d’une question que la DRH d’un gros cabinet de conseils m’a posée à mon retour des USA il y a 16 ans : “est-ce que vous êtes prête à sacrifier votre enfant pour le poste ? … La vision de mon fils en broche a traversé mon esprit !

C’était insensé et d’autant plus choquant en rentrant d’expatriation en Californie où l’équilibre vie privée, vie professionnelle était au cœur de l’actualité RH ! Plus personne n’irait sur ce terrain-là maintenant ! Il y a aurait trop de risques juridiques, risques de réputation. Fort heureusement les mentalités ont évolué, certains biais inconscients levés, permettant une ouverture d’esprit plus large ! Oui une mère de famille avec des enfants en bas âge, peut être performante, mener carrière en parallèle de sa vie de maman !

Les candidats ont envie d’autre chose : du sens, de l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle, de la convivialité en entreprise.

Le mot de la fin : qu’est ce que vous conseilleriez à quelqu’un qui se lance dans les RH ?

De le faire par passion, savoir naviguer dans l’ambiguïté et avoir le sens du business. Il faut vraiment aimer l’HUMAIN, car cela peut être un sacerdoce. On ne triche pas avec l’humain !

D’autre part, la capacité de naviguer dans l’ambiguïté permettra de pouvoir se positionner entre l’employeur et l’employé tout en gardant son cap et son éthique.

Enfin, il faut savoir interagir avec le business et comprendre ses priorités pour pouvoir s’imposer en influence comme un partenaire business et avoir plus d’impact en entreprise.

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